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Autour du départ de Laure Baltaze
Homélie du Père Pierre-Alphonse
Article mis en ligne le 9 novembre 2017

Ce matin, au cours de cette messe, nous entrons avec Laure dans un mystère profond
qui est inséparablement celui du scandale de sa mort,
et celui de l’amour infini de Dieu pour nous tous.

Aucun de nous n’est resté indifférent à cette vie, à cette trajectoire humaine si particulière qui nous a marqué d’une façon ou d’une autre, parents, collègues de travail de l’hôpital Gallien, amis intimes, voisins ou simples paroissiens.

Au fond de nos cœurs, il y a des sentiments très forts qui se mêlent :
 Nous prenons la mesure de la grâce que nous avons eu de rencontrer une telle âme
qui nous a touché parce qu’elle laissait transparaitre par moment quelque chose qui ne venait pas d’elle,
mais de quelqu’un d’autre, le Christ, Jésus qu’elle aimait tant.
 Et en même temps, spécialement pour ceux qui ont prié avec tant de ferveur pour sa guérison, il y a une incompréhension, parfois même une révolte devant l’échec apparent de nos demandes. Par vos confidences, je sais que beaucoup sont déboussolés et se posent une foule de questions.

Alors je vous propose à tous, quelque soit votre degré de foi, de rentrer avec courage dans ce qui restera un mystère : non pas un coup du sort à supporter de façon fataliste,
mais une grandeur ineffable que nous pouvons pressentir et entrevoir dans une semi-obscurité.

Pour y parvenir, nous allons nous laisser saisir par la main de Laure qui est passée elle-même par ce chemin terrible et pourtant si grand.
Laure elle-même partageait avec ses intimes cette question essentielle :
Cette maladie, qu’est-ce que j’en fais ? Quel sens a-t-elle ? Vers quoi mène-t-elle ?
Elle ne voulait pas que son épreuve reste inutile,
elle cherchait de toutes ses forces quel sens Jésus voulait lui donner.
Elle voulait que cela porte du fruit. Elle l’offrait pour ce qui lui tenait à cœur.
Elle le donnait à Jésus pour l’unité et l’amour dans sa famille.
Elle le donnait pour l’avenir du Foyer de Charité.
Plus encore, elle a cheminé, elle a compris peu à peu que Jésus dilatait son cœur au point de donner son épreuve à Jésus en lui disant en substance :
Tu sauras mieux que moi quoi en faire de beau et de grand.

Tout cela, nous le sentions plus ou moins confusément.
Et tous ceux qui prient se sont mis à parler de Laure à Dieu :
Puisqu’elle t’aime tant, fais quelque chose pour elle ! Elle le mérite bien !
La chaine de prière qui s’est formé autour d’elle est impressionnante, en nombre et en qualité, je peux en attester.

Et pourtant, au bout du compte, malgré toutes nos demandes, Laure est partie.

Alors nous ne comprenons plus ! Nous sommes peut-être même révoltés.
Tout ce que nous avions cru de Jésus semble balayé.
Le Dieu des chrétiens semble un monstre d’insensibilité.

Et c’est que nous avons un effort à faire ce matin, tous ensemble !
Comme Marthe, nous venons confier au Seigneur Jésus notre parente ou notre amie.
Nous sommes venus à la rencontre du Seigneur, dans son église, pour lui parler de celle que nous aimons.
Si nous avons déjà une relation d’amitié avec le Seigneur, nous n’avons pas peur de l’interpeller comme Marthe :
« Seigneur, si tu avais été là, ma sœur Laure ne serait pas morte…. »
Il n’est pas interdit de faire des reproches à Jésus.
Il s’est laissé interpeller par celle qu’il aimait.
St Jean l’évangéliste l’écrit noir sur blanc quelques lignes plus loin :
Jésus aimait Marthe, Marie et Lazare.
Mais nous ne pouvons nous approcher de Jésus avec toute notre incompréhension
que si nous gardons le bon esprit et la délicatesse de Marthe par rapport à Jésus :
Je ne comprends plus rien. Je t’avais fait demander de revenir pour mon frère.
Tu aurais très bien pu faire quelque chose pour lui. Et tu ne l’as pas fait …

Mais je sais que maintenant encore, Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas ».
Marthe garde sa confiance intacte dans la puissance de l’amour de Jésus pour elle et son frère.
Ce doux reproche de Marthe à Jésus et sa confiance intacte n’est pas seulement une page d’évangile vieille de 2.000 ans. C’est aussi ce que Laure a vécu elle-même.

Souvenez-vous !
C’était un dimanche soir dans cette église.
Laure recevait le sacrement des malades pour la première fois suite au redémarrage de la maladie. Et nous demandions tous la guérison. Nous demandions ce qui nous semblait le meilleur à notre point de vue. Mais nous n’avons peut-être pas encore cherché à ce moment-là quel pouvait être le point de vue de Dieu.

Et puis les choses se sont aggravées, et le jeudi 4 mai au soir, autour du groupe de louange Abba, nous avons prié avec ferveur pour celle qui ne pouvait être physiquement parmi nous.
Et c’est alors qu’Élodie nous a partagé ce SMS de Laure qui nous éclaire ce matin encore :

Bonjour à tous ! Je suis très touchée de cette initiative que vous avez prise de vous rassembler ce soir autour de Jésus notre Seigneur, pour prier (et j’imagine chanter aussi tant qu’à faire ! ) pour ma guérison ! Alléluia !
Encore une nouvelle étape dans le cycle de cette foutue maladie, et Jésus reste mon rocher sur lequel je m’accroche de plus en plus fort, et j’ose encore, trés humblement, lui demander de me guérir.
Est ce que je crois encore aux miracles ? Je ne sais pas vraiment. ..
En tous cas, dans le fond de mon cœur, il y a cette espérance que Dieu ne veut que mon bonheur, et que, où qu’il m’appelle, que ce soit Sa Volonté qui se fasse...
Il y a des moments très difficiles, alors vous pouvez demander au Seigneur de me porter dans ces moments là ! Je ne peux que prier en invoquant son nom : "Jésus, Jésus, Jésus, j’ai confiance en toi... viens à mon aide et guéris moi !"
" Le Seigneur est ma Lumière et mon Salut, de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ! Devant qui tremblerais je ?"

Priez aussi pour ma famille, pour Max et les enfants !
Que jamais il ne soit permis qu’ils ne s’éloignent de la Foi !
"Dieu les aime infiniment plus que nous ne les aimons" n’est-ce pas ? ;)
Portez les aussi dans la prière car ils ont aussi besoin de l’Esprit Saint pour tenir et supporter tout cela dans la sérénité !
Merci encore pour votre amitié, votre fraternité en Jésus, pour vos prières qui me portent et m’aident à tenir et à avancer !
Je vous embrasse tous et toutes très fort ! Et je vous dis à bientôt !
Laurette
(J’aurais bien aimé être là pour chanter avec vous ce soir ! )
.... Fin de citation

Il y a cette phrase de Laure qui marque un grand pas en avant dans la foi :
Jésus reste mon rocher sur lequel je m’accroche de plus en plus fort, et j’ose encore, trés humblement, lui demander de me guérir.
… dans le fond de mon cœur, il y a cette espérance que Dieu ne veut que mon bonheur,
et que, où qu’il m’appelle, que ce soit Sa Volonté qui se fasse...

Laure a converti son regard : elle accepte de rentrer dans la volonté de Dieu.
Elle m’a dit très simplement par la suite que certains jours, elle n’arrivait plus à le redire à Jésus. Mais dès qu’elle le pouvait, elle lui redisait dans son cœur qu’Il était sa lumière et son salut.

Laure est rentrée en profondeur dans l’unique mystère du Christ, qui comporte les deux faces inséparables de la croix et de la résurrection.

Elle a été associée de très près à la croix, elle a vécu au fond d’elle-même les phrases de Jésus lui-même à Gethsémani : Mon âme est triste à en mourir. Veillez et priez avec moi afin de ne pas entrer en tentation. Père, s’il est possible, que cette coupe s’éloigne de moi… Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux !

A nous aussi, tout à l’heure, il va être demandé de redire simplement dans le Notre Père : Que ta volonté soit faite ! Ce sera pour chacun de nous un grand pas en avant dans le mystère de Dieu qui est Vie et Amour.

Car Laure est associée de façon tout aussi forte à l’autre face du mystère de Jésus qui est la résurrection.
Dès maintenant, nous croyons que s’accomplit pour elle la promesse du Christ :
« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra.
Et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais ! »

J’ai été très touché, comme prêtre, par la délicatesse de l’amitié qui reliait Laure à Jésus.
Devant moi, elle a manifesté le désir de demander pardon à Dieu de tous les péchés qu’elle aurait pu commettre sans s’en rendre compte et qui aurait blessé Dieu ou son prochain.
Elle ne voulait rien laisser trainer qui aurait pu faire un obstacle entre elle et Jésus.
Elle a reçu le pardon de Dieu dans le sacrement de la confession.
Elle a reçu aussi ce trésor de la miséricorde de Jésus qu’il a confié à son Eglise et que nous appelons l’indulgence plénière à l’approche de la mort : Dieu qui est un Père plein de bonté, et qui ne veut pas perdre de temps pour accueillir ses enfants à l’occasion de leur mort accorde non seulement son pardon plein et entier, mais il efface aussi toutes les conséquences du péché, tous les bleus à l’âme que nous avons pu nous infliger.

Par sa foi vécue, Laure avait déjà commencé à revêtir l’immortalité.
Tant qu’elle pouvait se déplacer, elle est venue à la rencontre du Christ.
La dernière fois où elle est venue communier dans cette église,
c’était le samedi 21 octobre, il y a 15 jours.
Et le Christ nous l’a promis : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie en lui, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »

J’en viens à ma conclusion :
Paradoxalement ce matin, ce n’est pas tant Laure qui a besoin de nos prières,
que chacun de nous, personnellement et communautairement, qui avons besoin de la grâce de Dieu renforcée par l’intercession de Laure.

Laure, je te confie à une grande sœur que tu aimais beaucoup, Sainte Thérèse de Lisieux.
Avec elle, tu peux dire maintenant : J’entre dans la vie, et je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre.
Nous croyons à la communion des saints, à un échange d’amour, de vie et de biens spirituels au-delà de la mort.
Nous savons que tu continueras autrement, de façon moins sensible, mais certainement plus forte encore, à veiller non seulement sur Max et les enfants, sur ton papa, ton frère et ta sœur et sur tous les tiens, mais aussi sur tous ceux qui t’ont approchée, et qui sont là ce matin ou qui sont en communion avec nous malgré la distance.

Notre plus belle façon d’accompagner Laure dans son passage vers la vie éternelle,
c’est de reproduire vraiment au cours de cette messe le dialogue entre Marthe et Jésus :
« Oui, Seigneur, tu es le Messie, tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. »,

Avec Saint Paul nous redisons : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Il n’a pas refusé son propre Fils, il l’a livré pour nous tous.
Le Christ est ressuscité, il est à la droite du Père et il intercède pour nous.
Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur.

Avec Laure, en cette messe, nous avançons dans le mystère du Christ qui nous dépasse,
mais qui nous invite tous à nous associer à sa prière parfaite à son Père.
Nous allons offrir au Père le sacrifice de louange et d’action de grâce qui nous réconcilie avec Dieu et qui dilate notre âme.

Nous voulons croire aux merveilles que Dieu nous réserve
au moment même où nous pleurons celle que nous aimons.
C’est ce que nous allons exprimer dans la prière universelle.