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"Ne nous laisse pas entrer en tentation"
Notre Père : qu’est-ce qui change ? avec le P. Michel Souchon,
Article mis en ligne le 23 octobre 2017
dernière modification le 16 novembre 2017

Notre Père : qu’est-ce qui change ?

Retour sur la sixième demande du Notre Père avec le P. Michel Souchon, alors que le Vatican vient d’approuver une nouvelle traduction en français de la Bible liturgique.La formule du Notre Père " Et ne nous soumets pas à la tentation" y est remplacée par « Et ne nous laisse pas entrer en tentation".

"Ne nous soumets pas à la tentation", quelle demande étrange ! Le mot à mot est tout aussi troublant  : « Ne nous conduis pas en tentation » (« Ne nous fais pas entrer dans l’épreuve », traduit Sœur Jeanne d’Arc). Dieu serait-il tentateur ? Saint Jacques s’oppose à cette idée  : « Que nul, s’il est éprouvé, ne dise  : « C’est Dieu qui m’éprouve ». Dieu en effet n’éprouve pas le mal, il n’éprouve non plus personne. Mais chacun est éprouvé par sa propre convoitise qui l’éprouve et le leurre. Puis la convoitise, ayant conçu, donne naissance au péché, et le péché, parvenu à son terme, enfante la mort » (Jacques 1,13-15). Saint Paul est plus ambigu. S’adressant à Dieu, il lui attribue la responsabilité de la tentation  : « Tu es fidèle et tu ne permets pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces. Avec la tentation, tu nous donnes aussi le moyen d’en sortir et la force de la supporter » (1 Corinthiens 10,13). Et la Bible témoigne d’une curieuse inversion des rôles  : « C’est toi, Dieu, qui nous as éprouvés, affinés comme on affine un métal. Tu nous as conduits dans un piège. Tu as serré un étau sur nos reins » (Psaume 66, 10-11).

Les évangiles (Matthieu 4,1-11  ; Marc 1,12-13  ; Luc 4,1-12) disent que Jésus lui-même a connu la tentation ! Jésus repousse les offres du diable. Il est ainsi le modèle de la foi du chrétien. Si le Christ a été tenté, il ne peut nous enseigner une prière dans laquelle nous demanderions une existence dispensée de la tentation. Le sens de cette demande n’est donc pas  : « Épargne-nous la tentation », mais  : « Ne permets pas que nous succombions à l’heure de la tentation. Aide-nous pour que ne tombions pas dans le péché. » C’est le sens du développement de la liturgie romaine  : « Par ta miséricorde, libère-nous du péché, rassure-nous devant les épreuves. » Il m’arrive de paraphraser légèrement cette prière, tout en restant bien, je crois, dans son esprit  : « Par ta miséricorde, rends-nous libres dans la tentation et forts dans les épreuves. »

La tentation et l’épreuve

J’ai utilisé l’un pour l’autre les mots tentation et épreuve. Un même verbe grec (peirazein) est traduit soit par éprouver ou mettre à l’épreuve, soit par tenter. Lorsque des pharisiens ou des légistes interrogent Jésus pour essayer de le faire tomber, les évangiles disent qu’ils veulent « le mettre à l’épreuve » (par exemple Luc 10,25 ou 11,16). Les deux mots sont donc très proches et présentent, en quelque sorte, les deux faces d’une même expérience. Toute circonstance de notre vie peut être tentation ou épreuve. Lorsque, dans le désert, le peuple de l’Exode fait l’expérience de la faim et de la soif, il est mis à l’épreuve, dit l’Écriture. Dans le Deutéronome, Moïse parle à son peuple  : « Tu te souviendras de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait faire pendant ces quarante années dans le désert, afin de t’humilier et de t’éprouver, pour connaître ce qu’il y avait dans ton cœur et si tu observerais ses commandements, oui ou non » (Deutéronome 8,2). C’est dans l’épreuve que le peuple et chacun de ses membres doivent faire la preuve de leur fidélité.

« Dans son voyage ici-bas », dit saint Augustin, « notre vie ne peut pas échapper à l’épreuve de la tentation, car notre progrès se réalise par notre épreuve. Personne ne se connaît soi-même sans avoir été éprouvé, ne peut être couronné sans avoir vaincu, ne peut vaincre sans avoir combattu, et ne peut combattre s’il n’a pas rencontré l’ennemi et les tentations » (Sur les psaumes, Enseignement sur le psaume 60,2-3).

« Le péché à ta porte »

Mais on sait que les péripéties de l’Exode ont été des occasions de chute. Ainsi l’épreuve devient tentation : tentation de douter de Dieu, de son Alliance et de ses promesses. La Prière du Seigneur nous fait demander, à l’inverse, de ne pas succomber à la tentation qui survient aux jours d’épreuve. Au jardin des Oliviers, Jésus dit à ses disciples : « Quoi ! Vous dormez ! Levez-vous et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation !  » (Luc 22,46).

S’il est nécessaire de « prier afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation », c’est que nous connaissons la force de ce pouvoir. Dieu dit à Caïn jaloux de son frère Abel  : « Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n’es pas bien disposé, le péché n’est-il pas à ta porte, une bête tapie qui te convoite, pourras-tu la dominer ?  » (Genèse 4,6-7). Saint Paul s’étonne de l’emprise des forces du mal sur sa volonté et sa liberté  : « Je ne comprends rien à ce que je fais  : ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais. […] Le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais » (Romains 7, 15-19). Il reconnaît ainsi les traces en lui du péché d’origine. Il sait que notre liberté en est blessée. Mais, de cette loi du péché, il tire une leçon d’espérance, la conviction que nous sommes tous placés sous la miséricorde de Dieu (1).

À l’heure de la « grande épreuve »

Les « discours eschatologiques » et l’Apocalypse annoncent pour la fin des temps une période de troubles, de persécutions, la venue de faux prophètes… La « grande épreuve » verra l’apostasie d’un grand nombre (2 Thessaloniciens 2,3). Parmi les « Lettres aux Églises » de l’Apocalypse, il est annoncé à l’Église de Philadelphie  : « Parce que tu as gardé la parole de la persévérance en moi, je te garderai, moi aussi, de l’heure de l’épreuve qui va venir sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre » (3,10). La Prière du Seigneur a été entendue et reprise dans des communautés qui attendaient comme très proches le retour glorieux du Christ et l’avènement de son règne  : cette demande peut donc être comprise comme un appel au Père pour qu’il nous garde à l’heure de « la grande épreuve » de la fin des temps.

Michel Souchon sj, pour Croire