Bandeau
Paroisse Combs-la-Ville
Slogan du site

Site de la paroisse catholique de Combs-la-Ville

Méditation du "Je vous Salue Marie"
Mgr de Monléon
Article mis en ligne le 4 janvier 2013

« Je vous salue Marie » Méditation de Mgr de Monléon

Dans la prière de l’Eglise, le mois d’octobre est traditionnellement consacré au Rosaire. Cette prière à la Vierge Marie est une prière évangélique simple et contemplative. En priant le Rosaire, on récite les cinq dizaines du chapelet en méditant sur les principaux évènements de la vie du Seigneur Jésus auxquels Marie a été associée et que l’on appelle « mystères ». Jean-Paul II, en 2002, a ajouté aux traditionnels joyeux, douloureux, glorieux, les mystères lumineux : le baptême de Jésus, Cana, l’annonce du Royaume, la Transfiguration, l’institution de l’Eucharistie.

L’essentiel de cette prière est dans la récitation calme et paisible du Je vous salue Marie, dont la première partie est tirée des évangiles de l’Annonciation et de la Visitation chez saint Luc (1, 28-42). Ces paroles, tant celles de l’ange Gabriel à Marie que celles d’Elisabeth sa parente, sont d’une grande densité et d’une portée inépuisable.

Je voudrais m’arrêter sur la salutation d’Elisabeth : Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni (traduction liturgique de Luc 1, 42). Ce verset, traduit littéralement, est parfois transformé dans des récitations publiques ou privées du chapelet. Dans un souci compréhensible d’éviter le terme difficile d’ « entrailles », on le transforme souvent en : et Jésus ton enfant est béni. Or cette traduction est gravement défectueuse. Je ne parle pas ici des « clausules », des caractérisations de cet enfant, que l’on introduit parfois au Je vous salue, par exemple : et Jésus, l’Emmanuel est béni. Je veux montrer pourquoi supprimer le fruit de tes entrailles, (littéralement : de ton ventre, on pourrait dire le fruit de ton sein), est une erreur sérieuse, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il y a modification, transformation du texte de l’Evangile, soigneusement écrit par saint Luc, or, nul ne peut abolir l’Ecriture (Jean 10, 35). En effet, si Luc avait voulu écrire « enfant », il l’aurait fait puisque peu avant il écrivait : Quand Elisabeth entendit la salutation de Marie l’enfant tressaillit en elle (1, 41).

En évoquant le fruit du ventre, du sein, l’évangéliste fait référence à plusieurs passages scripturaires très importants. Tout d’abord, il se réfère implicitement au grand texte du chapitre III de la Genèse où, à plusieurs reprises, il est question du « fruit » que portent l’arbre de la connaissance du bien et du mal et l’arbre de la vie. Dans une étude attentive de ces textes fondateurs, la tradition juive a vu dans ces mystérieux fruits et dans leurs liens avec le péché des hommes, une annonce, une promesse d’un salut à venir, donné par Dieu, octroyant ainsi à ce fruit une portée messianique. Luc, et peut-être Elisabeth, ont reconnu dans le fruit béni que porte Marie en son sein, l’accomplissement messianique.

Par ailleurs, et conjointement, Elisabeth fait explicitement, et littéralement, référence au psaume 132, 11 : Le Seigneur l’a juré à David (…) : C’est le fruit de tes entrailles que je mettrai sur le trône fait pour toi, parole qui rejoint la promesse de l’ange à Marie : Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père (Luc 1, 32). Elisabeth, accueillant Marie portant ce petit enfant, reconnaît donc en elle l’accomplissement messianique, celui de la promesse faite à nos Pères en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais (1, 55). A cela il est possible d’ajouter que, dans le livre du Deutéronome, le « fruit des entrailles » est associé à la bénédiction de Dieu : Bénis seront le fruit (singulier) de tes entrailles, le fruit de ton sol…

Devant le poids de ces fondements dans la Révélation, il convient et il est bon de s’en tenir au texte exact de l’Evangile. Je trouve enfin que dire : « Jésus ton enfant » est un peu mièvre et ne fait droit ni au réalisme viscéral de l’incarnation ni à la majesté de ce fils (1, 31-32.35), de cet être Saint (1, 35) qui va naître de Marie. Dans la récitation du Je vous salue, manifestons notre amour de la Parole de Dieu en la respectant, et nous en tirerons beaucoup de fruit !